Vers la dépénalisation du cannabis ?
Christiane Taubira envisagerait d'assouplir la législation sur l'usage du cannabis. Une réforme qui divise aussi bien professionnels que parlementaires.
Jeudi matin, sur LCI, la garde des Sceaux a regretté l'absence d'un débat autour de la question du cannabis. « Je ne comprends pas que dans un pays de débats comme la France, on refuse de débattre d'un sujet de société » a déclaré Taubira, ajoutant qu'il y a une « lâcheté collective à ne pas vouloir s'emparer de ce sujet ».
Il est vrai que la question a rarement été évoquée à l'Assemblée nationale, et reste assez tabou en France, le pays où la politique à l'égard du cannabis est la plus répressive d'Europe, mais qui paradoxalement, est le premier pays européen pour la consommation de cannabis, selon l'Observatoire national des drogues.
En 2011, le député socialiste Daniel Vaillant, avait proposé l'instauration de la légalisation contrôlée, en vain. Mais un an plus tard, à quelques jours de l'élection présidentielle, le socialiste François Rebsamen, qui briguait le ministère de l'Intérieur, avait relancé le débat. Ce qui lui valu la nomination de Manuel Valls à sa place et la colère du Président de la République, fortement opposé à toute réforme.
Un sujet qui divise la France
La ministre n'a jamais caché son souhait de moderniser la justice, et s'attaque cette fois-ci à une question épineuse qui divise français, politiques et professionnels de la santé et du droit.
Elle n'est pas non plus le premier membre du gouvernement à s'attaquer à ce sujet.
Vincent Peillon, ministre de l'Education nationale, s'était prononcé en faveur d'un débat, s'attirant les foudres de Jean-Marc Ayrault. Tandis que Cécile Duflot, alors fraîchement promue ministre du Logement, avait rappelé sa position sur la question en tant qu'écologiste. Ses déclarations ne restèrent pas indifférentes à François Hollande.
Pour les partisans d'une réforme, il s'agirait au minimum de sanctionner les usagers sous forme de contravention. L'infraction s'inscrirait toujours dans le champ pénal mais ne serait plus passible de prison.
Mais pour les anti, à l'exemple de Christophe Régnard, président de l'Union syndicale des magistrats, « la pénalisation de la consommation de cannabis avait une vertu, celle de permettre de remonter les filières de la drogue grâce aux consommateurs qui étaient placés en garde à vue ». Pourtant, la croissance de la consommation est si forte que souvent, la police renonce aux poursuites, à cause de la faiblesses des doses trouvées, et parce que le contrôle de l'exécution des peines (comme l'injonction thérapeutique) est rarement effectué.
Du point de vue de certains consommateurs, comme Andrea, 23 ans, la vente contrôlée serait une solution avantageuse pour tout le monde, « Cela ferait diminuer fortement l'économie parallèle, et donc rapporterait de l'argent à l'Etat. Et d'un autre côté, les consommateurs n'auraient plus à se cacher et pourraient consommer de manière restreinte, mais légale ».
Mais cela contribuerait-il à faire baisser la consommation de cannabis en France ? « Nous sommes à la fois les plus gros consommateurs d'Europe et les plus sévères sur la législation du cannabis. Aux Pays-Bas par exemple, qui est le pays le plus tolérant, le nombre de consommateurs est l'un des plus faibles de l'Union Européenne. »
Selon une étude publiée par l' Observatoire Français des Drogues et Toxicomanies, 60% des français sont favorables à l'autorisation du cannabis (pour les personnes majeures seulement).
Les conséquences sur la santé, premier obstacle à une réforme
En novembre dernier, le tribunal d'Avignon rendait une décision unique en France, en autorisant un homme atteint de la maladie d' Horton à utiliser du cannabis à usage thérapeutique, pour soulager ses inflammations. Cette affaire a mis le doigt sur le question de la marijuana à usage médicinal. Mais l' Hexagone est loin d'être prêt à se calquer sur le modèle de la Californie, où la drogue thérapeutique règlementée est largement répandue et disponible sur simple ordonnance dans des pharmacies prévues à cet effet.
Ce qui freine le plus les successifs gouvernements français à tenter toute réforme, ce sont les rapports d'experts, fustigeant les conséquences du THC (la molécule active du cannabis) sur la santé.
Outre les effets sur la mémoire et les neurones, le cannabis peut favoriser l'évolution d'une maladie psychiatrique chez les personnes prédisposées.